dimanche 3 mai 2015

Collage / Bosch / Botticelli


Balade Boschticellienne

Si les grandes et petites puissances et leurs sociétés continuent à se comporter comme elles le font, c'est aux visions de Jérôme Bosch et Pieter Bruegel qu'elles vont renvoyer la planète toute entière. Quelle différence y a-t-il entre "Le triomphe de la mort" et la situation prévalant, depuis quelques temps maintenant, en Irak et en Syrie, pour ne citer que ce misérable exemple?

Et quand je dis visions, c'est celles de la prescience qu'ont eu des situations ces deux héros de la représentation du monde autant réel que fantasmé que je parle. Ils sortaient quasiment de ce que l'on a coutume d'appeler Moyen-âge, qui avait forgé tout leur imaginaire, pour justement en générer un autre.

Un imaginaire qui nous est désormais connu grâce à leur travail, et qui, par la magie de la reproductibilité technique, s'est répandu partout sur la planète, y compris par les réseaux sociaux, pour quiconque aime à se promener et caresser des yeux l'héritage pictural de nos frères humains qui avant nous vivaient. J'ai découvert récemment comment cette peinture, incontournable pour comprendre le système nerveux et son interaction universelle, agissait indépendamment de la chronologie de l'histoire classique. 

Le tableau cinématographique d'Alexeï Guerman, "Il est difficile d'être un dieu", chef d’œuvre en noir et blanc sorti post mortem en 2015, est en la matière la preuve même d'une interaction entre les arts et les hommes, par delà les dimensions spatiales et temporelles communément admises. Il a réussi à reproduire sur pellicule un univers en totale adhésion et harmonie avec les toiles très colorées des maîtres ès Paradis et Enfer réunis. 

Des génies de la retranscription du religieux et de l'athéisme, du conscient et de l'inconscient sur un même plan, dans une sorte de saisissement cathartique du mode de fonctionnement des êtres humains sur la croûte terrestre. Un comportement résumable, pour la faire courte, à une formule quasi primitive "les gros poissons mangent les petits".

Des leçons d'art et de savoir qu'ils nous ont transmises et pour lesquelles nous leur sommes toujours redevables, car ils nous ont fourni par la même occasion les outils pour saisir à notre tour ce qui se passe dans le monde, plus de cinq siècles plus tard.

Actuellement, les habitants de la terre sont littéralement projetés dans une succession de ces tableaux d'avant la grande résurgence de l'antiquité dans la renaissance. Des œuvres qui retracent notre itinéraire depuis l'apparition de l'homme sous la forme ludique et lubrique de la création d'Adam et Eve, jusqu'à sa chute vertigineuse dans les affres d'une interminable et infernale fin de monde.

C'est le refus d'intégrer leurs leçons qui a régénéré cette phase fangeuse de l'histoire de l'humanité. Et dans cet océan d'analphabétisme qui gagne seuls survivent ceux qui font mauvais usage de précédents historiques qu'on croyait engloutis dans les flammes du "Jugement dernier" ou emportés dans "La chute des anges rebelles" dès lors qu'ils nous ont été révélés. 

Il semble bien que nous ne soyons jamais sortis de cet âge car les œuvres de Bosch et Bruegel ont ceci d'exceptionnel qu'elles témoignent d'un passé en même temps qu'elles prédisent un avenir, sans cesse en train d'advenir, que nous n'avons pas su éviter. Une sorte de retour vers le futur raté.


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