dimanche 16 avril 2017

Jeu de hasard 2 / Tric trac ou échecs

Tric-trac ou Chatrange
Joueurs d’échecs capturés dans le bazar de Téhéran et joueurs de Backgammon saisis à la Place des canons à Beyrouth,  ces deux photos mises en résonance m’ont toujours inspiré l’idée que dans cette différence résidait, entre autres, celle entre Perses et Arabes, même si c’est une idée fausse.
A priori, on est tenté de croire que ceux qui déplacent les pions sur un échiquier sont plus intelligents, en tout cas plus actifs, que ceux qui ne font que jeter les dés sur une table de tric-trac.
Jouer aux échecs, cela demande réflexion, concentration, prévision, anticipation, tandis qu’au tric-trac, on jette les dés, on constate le résultat et on l’applique avec les jetons sur la tawlé.
Bien sûr, les infatigables accrocs du lancé du Al Zahr (hasard), vont vociférer et expliquer que les dés ne font pas tout. Il faut aussi du savoir faire, une connaissance de la tawla (table) de jeu, sans doute de la souplesse dans le poignet, mais surtout une bonne dose d’anticipation sur le hasard même.
De leur côté, les accoutumés au jeu du chatranje et son impitoyable échec et mat (el Cheikh Mat, le cheikh est mort), vont toujours se sentir supérieurs parce qu’ils ne se contentent pas de jeter les dés au petit bonheur la chance. Ils jouent, eux, avec leur matière grise.
Ils réfléchissent, pensent, calculent de nombreux coups d’avance, élaborent plusieurs tactiques et envisagent les parades qui peuvent leur être opposées.
Bref, vous l’aurez compris, une opposition entre mûre réflexion et pulsion hasardeuse. Il y a sans doute une part de vrai dans tout ça, mais une part de faux aussi. Parce que dans les deux jeux, il y a une dimension psychique, voire métapsychique, qui n’apparaît pas dans ce qui précède.
La part de désinvolture, qu’on met à secouer et lancer les dés ou à déplacer les pions, est pour une grande part déterminante pour l’issue de la partie. Une règle fondamentale depuis que le jeu est jeu.

PS: Collage virtuel de circonstance 



dimanche 2 avril 2017

Jeu de hasard 1 / La fleur du mal / Mallarmé


Coller, c'est émettre un coup de dés

A SaBy.

Le seul moyen que j'ai trouvé, pour répondre à une délicieuse injonction de renouer avec mon blog, a été de me raccrocher à la plus délirante et la plus affligeante campagne électorale qu'il m'ait été donné de voir à ce jour. Celle de la bataille présidentielle de 2017.

Quelque soit l'évolution erratique de la chose, sondages, casseroles ou parjures, ou encore chaos, guerre civile ou assassinat politique, ces choses immondes et dégradantes évoquées (ou invoquées, je ne sais) par certains candidats dans leur folle soif de pouvoir, on peut dire une seule chose de manière à peu près certaine: les dés sont jetés.

Ils sont lancés et roulent inexorablement, nous aspirant dans leur sillage vers un résultat très aléatoire, celui de la part du hasard. Adepte de Mallarmé et de Deleuze, je reprends à mon compte l'idée que "penser, c'est émettre un coup de dés", en y ajoutant celle du vieil adage, tant de fois vérifié, selon lequel "le hasard fait bien les choses". 

Bien, pour la seule raison qu'une fois les dés lancés, la main de l'homme n'y peut plus rien. Elle n'a plus prise sur la suite des événements, car c'est justement la part du hasard qui prend le relais. Ce sont les dés (Az Zahr) eux-mêmes, de la manière dont ils se disposent en retombant, qui décident de l'avenir.

Et quand bien même auraient-ils été lancés depuis Bagdad ou Beyrouth, depuis Damas ou Téhéran, c'est à dire "du fond du naufrage" ou du grand trou noir planétaire, ils n'aboliront jamais le hasard, cette part qui leur est inhérente.  

Aussi vrai que coller, c'est aussi émettre un coup de dés, et que c'est cela qui a permis l'éclosion de cette fleur du mal.

                                                                                                                   (A suivre)