mercredi 22 août 2012

Jean-Claude Morin / Le mur familier aux ombres / LPDEFPT


Un roman Mallarméen*

   Il est rare par les temps qui courent de tenir un livre et de se dire qu'on a en main une perle pas comme les autres, un texte comme on n'en fait plus. "Le mur familier aux ombres" de Jean-Claude Morin est de ceux là, qui se range désormais auprès des rares grands écrivains français d'aujourd'hui. Je n'en citerai qu'un autre, Jean Paul Kauffmann pour "La maison du retour", d'abord parce qu'il m'y a fait penser et parce qu'ils ont en commun, compte tenu de leur histoire personnelle, d'être aussi de grands écrivains libanais.
  Sous son titre énigmatique Shéhadéen, le livre de Jean-Claude Morin comporte la mention roman. A quoi j'ajouterais Mallarméen car il en a le souffle, et Rimbaldien parce qu'il en a la liberté libre. Celle de raconter des choses sur un pays, que ses habitants même ont des difficultés à admettre. Des choses qu'ils refusent de voir par cécité délibérée, d'entendre par surdité choisie et de comprendre par servitude d'esprit volontaire. 
   Dans une langue ciselée comme on ne la mérite pas, l'écrivain avoue ses amours pour et au pays des cèdres. Sans prendre parti, car seule l'écriture est son parti et le vécu son mode d'action, au point qu'il faudrait le soumettre au détecteur de mensonges pour en connaître les soubassements ou le passer au révélateur pour obtenir les contours précis de ce qu'il raconte. Reste qu'il vaut mieux que les choses en restent là puisqu'il l'a voulu ainsi. Du rendez-vous manqué avec la fessée, des onguents au cul du coq ou de la descente dans les mystérieux tunnels de la banlieue sud, nous ne dirons pas plus car chacun se doit d'aller explorer par lui-même ce qui fait la substance même de l'ouvrage.
   Il reste également à saluer l'éditeur,  Editions Tensing, qui a réalisé un travail remarquable en encre, papier et couverture. Un livre résistant au sable, l'eau salée et l'huile solaire et qui lu en plein soleil de la première à la dernière ligne donne un avant goût de l'éternité littéraire. 

* Tant il est vrai que "le monde est fait pour aboutir à un beau livre" S.M. 

1 commentaire:

  1. Autre souffle mallarméen, ô cher collasophe ! celui de "Brise marine" : "La chair est triste, hélas ! et j'ai lu tous les livres.
Fuir! là-bas fuir ! Je sens que des oiseaux sont ivres
D'être parmi l'écume inconnue et les cieux !
Rien, ni les vieux jardins reflétés par les yeux
Ne retiendra ce cœur qui dans la mer se trempe
O nuits ! ni la clarté déserte de ma lampe
Sur le vide papier que la blancheur défend
Et ni la jeune femme allaitant son enfant.
Je partirai ! Steamer balançant ta mâture,
Lève l'ancre pour une exotique nature !
Un Ennui, désolé par les cruels espoirs,
Croit encore à l'adieu suprême des mouchoirs !
Et, peut-être, les mâts, invitant les orages
Sont-ils de ceux qu'un vent penche sur les naufrages
Perdus, sans mâts, sans mâts ni fertiles îlots...
Mais, ô mon cœur, entends le chant des matelots !" 



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