dimanche 29 novembre 2009

Perle mallarméenne



Sur la philosophie dans la poésie

Je révère l'opinion de Poe, nul vestige d'une philosophie, l'éthique ou la métaphysique, ne transparaîtra; j'ajoute qu'il la faut, incluse et latente. Eviter quelque réalité d'échafaudage demeuré autour de cette architecture spontanée et magique, n'y implique pas le manque de puissants calculs et subtils, mais on les ignore, eux mêmes se font, mystérieux exprès. Le chant jaillit de source innée, antérieure à un concept, si purement que refléter, au dehors, mille rythmes d'images. Quel génie pour être un poète ; quelle foudre d'instinct renfermer, simplement la vie, vierge, en sa synthèse et loin illuminant tout. L'armature intellectuelle du poème se dissimule et tient — a lieu — dans l'espace qui isole les strophes et parmi le blanc du papier : significatif silence qu'il n'est pas moins beau de composer, que les vers.

Stéphane Mallarmé in Igitur Divagations Un coup de dés (Réponses à des enquêtes) Poésie Gallimard

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