Tric-trac ou Chatrange
Joueurs d’échecs capturés dans le bazar de Téhéran et
joueurs de Backgammon saisis à la Place des canons à Beyrouth, ces deux photos mises en résonance m’ont
toujours inspiré l’idée que dans cette différence résidait, entre autres, celle
entre Perses et Arabes, même si c’est une idée fausse.
A priori, on est tenté de croire que ceux qui
déplacent les pions sur un échiquier sont plus intelligents, en tout cas plus
actifs, que ceux qui ne font que jeter les dés sur une table de tric-trac.
Jouer aux échecs, cela demande réflexion,
concentration, prévision, anticipation, tandis qu’au tric-trac, on jette les
dés, on constate le résultat et on l’applique avec les jetons sur la tawlé.
Bien sûr, les infatigables accrocs du lancé du Al Zahr
(hasard), vont vociférer et expliquer que les dés ne font pas tout. Il faut
aussi du savoir faire, une connaissance de la tawla (table) de jeu, sans doute
de la souplesse dans le poignet, mais surtout une bonne dose d’anticipation sur
le hasard même.
De leur côté, les accoutumés au jeu du chatranje et
son impitoyable échec et mat (el Cheikh Mat, le cheikh est mort), vont toujours
se sentir supérieurs parce qu’ils ne se contentent pas de jeter les dés au
petit bonheur la chance. Ils jouent, eux, avec leur matière grise.
Ils réfléchissent, pensent, calculent de nombreux
coups d’avance, élaborent plusieurs tactiques et envisagent les parades qui
peuvent leur être opposées.
Bref, vous l’aurez compris, une opposition entre mûre
réflexion et pulsion hasardeuse. Il y a sans doute une part de vrai dans tout
ça, mais une part de faux aussi. Parce que dans les deux jeux, il y a une
dimension psychique, voire métapsychique, qui n’apparaît pas dans ce qui
précède.
La part de désinvolture, qu’on met à secouer et lancer
les dés ou à déplacer les pions, est pour une grande part déterminante pour
l’issue de la partie. Une règle fondamentale depuis que le jeu est jeu.
PS: Collage virtuel de circonstance
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