dimanche 8 septembre 2013

Visa pour l'image/Don McCullin

 
Viva la muerte 2
Joao Silva (qui expose aussi à Perpignan - et a perdu ses deux jambes en 2010 en sautant sur une mine antipersonnel) explique qu’en revoyant les images qu’il a prises, il se surprend à constater qu’elles «ne correspondent pas toujours au souvenir d’un moment précis». En est-il de même pour vous ?
Hélas non. Comment pourrais-je un jour oublier le tremblement de ces deux prisonniers au Biafra juste avant d’être abattus sous mes yeux et ceux de Gilles Caron ? Ou ce petit Biafrais albinos venu me tenir la main et dont je savais qu’il n’avait aucun espoir de survie ? En soi, photographier le drame, la détresse, techniquement ce n’est pas très compliqué. Mais croyez-moi, j’ai payé un prix terrible pour ça et vous ne pourrez jamais imaginer à quel point toute ma vie j’ai dû lutter avec ma conscience : on ne se fait pas un nom, non plus qu’on n’obtient des récompenses, impunément, quand c’est en montrant la souffrance des autres. Mais il me fallait porter ces images à la connaissance des gens, dont le respect et l’attention me touchent lorsqu’ils les regardent dans un endroit comme celui-ci, majestueux et solennel…
                                                  Don McCullin / Libération 07/09/13