jeudi 31 mai 2012

Voyage au bout de la violence/Printemps arabe 12


 A Carla
 Histoires d'autobus

Pour que les Libanais, ceux qui sont restés comme ceux qui sont partis, évitent de reprendre l' "Express Beyrouth-Enfer", contre lequel les avait pourtant mis en garde Etel Adnan dès 1970, il faudrait qu'ils fassent de toute urgence le "Voyage au bout de la violence" * auquel les invite Samir Frangié. Première parole vraie sortie depuis longtemps du pays des cèdres, son livre luit de toutes les facettes de l'intelligence comme une issue possible du long tunnel d'obscurantisme confessionaliste.
Intelligence historique qui lui permet d'établir et retracer de l'intérieur et de manière imparable tout le processus d'absorption du pays par le grand frère syrien. Intelligence personnelle qui lui a permis, en dépit du combat contre la maladie, de livrer une fois de plus "un exposé saisissant, lumineux et magistral" des dysfonctionnements du Liban. Intelligence prospective qui fait de sa proposition d'un " Etat du vivre ensemble" basé sur "une culture de la vie", une clé pour l'avenir de la région, Libanais, Syriens, Palestiniens et Israéliens confondus.
L'autre autobus, qu'il ne faut pas rater celui là, c'est celui que nous fait prendre au Caire le cinéaste Mohamed Diab. "Les femmes du Bus 678" est le hurlement d'un homme en faveur des femmes arabes. Sans avoir la fluidité des films de l'iranien Asghar Farhadi, "Une séparation" ou "A propos d'Elly" , ce premier film est la démonstration que sans révolution sexuelle dans la révolution arabe, sans redonner leurs droits à celles qui sont "la moitié du ciel", le printemps arabe n'accouchera de rien de bon.

* L'Orient des livres 2011 / Actes Sud 2012.


jeudi 24 mai 2012

Supplice du pal pour Héliogabale/Printemps arabe 11


Le bourbier syro-libanais, une histoire de dupes.

Je dirais même plus, une histoire de cornecul dont les libanais, ceux qui sont restés comme ceux qui sont partis, sont les auteurs du scénario à venir.
Tout ce qui se produit en ce moment en Syrie et au Liban, on le savait, pour ne pas dire l'attendait, depuis le 13 Avril 1975, date du mitraillage du fameux bus de 3aïn el Remmaneh (la source - ou l'œil - de la grenade, on peut lire grenade comme on veut, le fruit ou l'arme).
Ce jour là, les maîtres du moment avaient fait le choix archaïque et sanglant du repli communautaire, de gré, ou de force pour ceux qui n'en voulaient pas.
Près de quarante ans plus tard, ce sont les mêmes tarés, crétins congénitaux, analphabètes, arriérés mentaux, commerçants d'armes et de chaire humaine qui sont aux manettes des deux côtés de la frontière, entraînant tout le monde vers l'abîme.
Avec toutefois une mention particulière pour le cas pathologique exceptionnel d'Héliogabale (cf. sur ce blog), chef d'orchestre de ce qui restera sans doute comme un des épisodes les plus énigmatiques de l'histoire du cerveau humain, pour ne pas dire de l'incommensurable connerie humaine.
3ouchtoum wa 3acha Lubnan.

mercredi 2 mai 2012

Collage de mots / Georges Didi-Huberman



Icônes au logis

… Eh bien, je travaille, je travaille. Je suis un collasophe : je colle tant que je peux. Je recommence. Je lis, j’écris, je regarde, je photographie, je feuillette, je coupe, j’amasse, je cadre, je monte et je colle. Je fais avec les images ce que je fais avec les textes : des prélèvements, des fragments, des coupures, encore des fragments, sans ordre préalable et sans choix prédéterminé. Puis je dispose toutes ces associations libres sur « l’immense table » (qui est en réalité une table de bistrot, une plaque de marbre sur pieds en fonte, c’est à dire un outil d’artisanat). Ensuite, je fais des agencements, des regroupements, des associations, comme une réussite aux cartes ou comme un tarot que vous tire une voyante de fête foraine. Un futur - un désir - se configure et s’incarne lorsque je m’aperçois que les affinités s’organisent toutes seules, pensent toutes seules, se remontent d’elles mêmes. Alors je n’ai plus qu’à prendre le cutter et le tube de colle pour interpréter cette partition.

PS : Texte puisé tel quel dans du Georges Didi-Huberman*, grand ouvreur de « L’œil de l’histoire »**, et adapté à la collasophie qui n’est au fond qu’une des branches de l’iconologie.

*  Entretien dans artpress N°373 Décembre 2010

** Quand les images prennent position. 1 / Remontages du temps subi. 2 / Atlas ou le gai savoir inquiet. 3 (Editions de Minuit, collection Paradoxe)